La Chine fut le premier pays au monde à décréter l'introduction de l'espéranto dans les écoles d'enseignants en 1912 grâce à Cai Yuanpei, ministre de l'éducation du gouvernement de Sun Yatsen.
Un journal rédigé à Paris en espéranto par des étudiants chinois parut en 1907 sous le titre "Nova Tempo“ (Temps nouveau). La langue bénéficia à travers son histoire de l'appui de nombreux intellectuels éminents. Parmi les plus connus, il y a Cai Yuanpei dont la mémoire n'est pas effacée, puisqu'un timbre-poste lui a été consacré et puisqu'un programme prioritaire lancé pour 2013 par le service pour la science et la technologie de l’Ambassade de France en Chine porte son nom.
Lorsqu'il devint recteur de l'Université de Pékin à partir de 1917, Cai Yuanpei organisa des cours d'espéranto et invita des conférenciers espérantophones étrangers, en particulier le poète et écrivain russe, aveugle et intrépide Vassili Erochenko, une figure légendaire.
En 1921, la Chine fut l'un des 14 pays qui déposèrent une proposition à la Société des Nations afin qu'elle recommande l'enseignement universel de l'espéranto dans les écoles comme langue auxiliaire internationale". L'opposition la plus farouche vint de l ' État français.
Malgré tout, un rapport tout à fait favorable de la SDN fut publié le 21 septembre 1922. Sa lecture, soit en français soit en anglais, permet de se rendre compte que le problème de la communication, en même temps que celui de l'analphabétisme, auraient été résolus depuis longtemps sans cet aveuglement qui se manifeste encore aujourd'hui en France. Le sujet est tabou dans un pays encore sous somnifère où s'exerce un conditionnement pour le tout-anglais alors qu'il n'y a pas de chemin linguistique plus court que l'espéranto pour les échanges et les relations entre la France et la Chine ou quelque autre pays allophone que ce soit.
L'espéranto reçut aussi le soutien de deux des plus grandes figures de la littérature chinoise, Lu Xun et surtout Ba Jin, qui le pratiqua. Même Mao Tse Toung approuva son utilisation, et certaines de ses oeuvres parurent dans cette langue. Toutefois, la plus grande victime de la "Révolution culturelle" (1966-1968) fut le poète Armand Su (Su Chengzong, 1936-1990) condamné à 15 ans de prison en raison de sa correspondance en espéranto et de son utilisation littéraire. Il fut libéré et déclaré non coupable en 1978.
C'est grâce au soutien de divers pays dont la Chine que la recommandation de l'espéranto par l'Unesco fut adoptée par sa Conférence générale de 1985 à Sofia.Aujourd'hui, c'est en Chine qu'apparaît le plus grand intérêt pour l'application pratique, commerciale, technique et scientifique pour l'espéranto. La Chine est en tête pour son enseignement au niveau supérieur avec 18 universités, suivie par le Japon (6), l'Allemagne, la Pologne, la Russie et les États-Unis (4).
Enfin, c'est aussi en Chine, à l'initiative de Dennis Edward Keefe, originaire des États-Unis, et de Trigo (Wuhan) qu'a été lancée une université d'espéranto sous le nom d'Esperanto-Insulo sur l'île de Hainan, proche du Vietnam. Elle dure un mois par an et a pour but de faire de l'espéranto une langue d'enseignement.
Henri Masson